Lotusphere 2012 : J’ai vu danser un éléphant…et il veut qu’on danse avec lui

Après quasi une semaine de présence et de tentative de couverture à Lotusphere, il est temps d’essayer de prendre un peu de recul et tirer les conclusions finales. Mais avant toutes choses, je vous incite à compléter votre veille sur ce qui a pu être écrit ailleurs sur le net et sur twitter. J’ai en effet fait l’impasse sur de nombreux sujets comme, notamment, l’offre Cloud, zappé quelques cas, abandonné Quickr à son sort et j’en passe. J’aurais pu (ou du) faire un billet sur les multiples possibilités d’intégration de Connections en environnement Microsoft (Sharepoint, Office, Windows Explorer….) car cela permet de se rendre compte que la guerre des mondes et les batailles de standards ne sont peut être pas là où on le pense et qu’au final ces deux là se complètent plus qu’ils ne s’opposent. J’aurais aussi du parler de la dimension “client”, B2C et de ce qui touche à la dimension web, site business d’entreprise et expérience internaute où on attendait pas non plus Big Blue.

Mais voilà, Lotusphere c’est immense, ça dure longtemps, on n’a pas une minute de répit…donc à moins d’avoir le don d’ubiquité il fallait faire des choix.

Au vu des opinions lues ici et là, cette édition a été un excellent cru. Fin des promesses, début des livraisons. Rassurant donc. Il y a une vision, elle tient la route et les produits commencent déjà à arriver. Mais pour juger la situation remontons deux ans en arrière. 2010, mon premier Lotusphere.

2010 donc. Lotus Connections 2.5. Il occupe une place dans le programme mais sans plus. On parle vaguement 2.0, pas social. Le sujet est clairement un sujet parmi d’autres et à part quelques IBMers convaincus le monde du “2.0 & social” ne se bouscule pas à Orlando. On est encore dans la collaboration traditionnelle et Connections fait un peu figure d’oiseau bizarre dans le décor. Clou de semaine : Vulcan. Formalisation et idéalisation de l’outil collaboratif du futur, d’une stratégie outil globale. Sur le papier et sur l’écran ça fait rêver. Coté concret : “ça viendra…vous verrez dans un an”. Vulcan fait rêver, le reste reste “Collab as usual”.

2011. On revient voir l’ami Vulcan. Quelques démos qui nous font deviner à quoi les choses ressembleront peut être un jour. De loin. Quand ? “Vous inquiétez pas, ça va venir”. Comme d’habitude dans l’édition en générale et dans ces grandes maisons en particulier. Par contre le coté “social” fait son entrée par la grande porte et squatte les grands titres de la conférence. “Get Social. Do Business”. Pour ceux, c’est à dire la très grande majorité je pense, qui ne connaissaient rien au sujet ou le croyaient cantoné à une petite niche dans la programmation, voici qu’il devient l’élément fédérateur de toute la stratégie Lotus. Social Business Framework, toolkit, Agenda. Social everywhere, rendu possible par la capacité d’IBM à proposer un grand niveau d’intégration entre le social et le reste. Avec l’arlésienne Vulcan ça semble très cohérent. Le message est clair, martelé à chaque instant. Et contrairement à l’année passée, je vois de nombreuses têtes connues, que je croise à longueur d’année sur d’autres conférences mais que je n’aurais jamais imaginé voir ici. Eux non plus d’ailleurs. Ils se demandaient pourquoi on avait tant tenu à leur présence. Maintenant ils savent. Avec, au final, un sentiment mitigé. Connections 3.x devient vraiment intéressant et n’a plus rien à envie à la concurrence. Pas exceptionnellement meilleur mais au moins tout aussi bien. Le message est là et il plait. IBM est crédible non pas grâce à son message mais parce qu’eux même peuvent revendiquer l’étiquette “social business” et c’est cette expérience interne qui les rend légitime. Mais rien de concret à se mettre sous la dent. Alors ? Hold up marketing ou revirement majeur ? On aura un an pour s’interroger en attendant 2012.

2012. On sort de l’année du centenaire et le moins qu’on puisse dire c’est le message a été martelé. Tous les tenants du social business pourront d’ailleurs remercier Big Blue d’avoir fait leur boulot d’évangélisation pendant un an. Désormais le terme est connu de tous grâce à la machine marketing maison. Alors, so what ? “Si tu vois l’arlésienne fais lui une bise” me dit on avant mon départ. Pas faux. On repart pour une part de rêve qui devrai se concrétiser dans des produits qu’on verra peut être un jour.

Et là…vous connaissez la suite. Vulcan a disparu. Abandonné ? Non. “Regardez : il est dans les produits, ça y est”. Les produits de dans 5 ans ? “Non : ça tourne, on vous le montre et ça sort au premier social”. Connections 4 et Notes social edition impressionnent. Alors quelle idée ou concept fort pour réver en 2012 ? Rien. “On ne promet pas, on délivre”.  On évangélise plus, on montre comment ça marche. A coté de Lotusphere se tient IBM Connect pour la seconde année. Ici vous ne verrez pas une démo produit. On parle de la transformation des modèles organisationnels, de culture d’entreprise. Et les partenaires suivent. Désormais le PDG et le DRH ont une raison d’accompagner le DSI à Orlando. Ils n’auront pas vu un outil mais la question n’est pas là. D’ailleurs, lors de la session d’ouverture on nous a bien dit : “La technologie compte. Mais on parle de culture d’entreprise”.”Business made social” comme le disait le slogan de cette année. Et pour le futur ? Les labs travaillent.

Alors nous, les enfants gâtés du web, on se dit “ah enfin. Il était temps”. Habitués que nous sommes à tout avoir tout de suite, aux évolutions produit qui se succèdent mois après mois. Mais si on essaie d’être objectif il ne s’est passé que deux ans entre la première et la troisième de ces éditions. Une éternité pour nous mais un temps infime lorsqu’on sait et qu’on voit au quotidien combien de temps il faut à une entreprise pour changer sa vision, en adopter une radicalement et la mettre en action. De la niche au prime time en 2 ans, des produits radicalement transformés désormais opérationnels. On les croyait au moins bon en marketing, ils ont été bons tout court et je n’ose imaginer les efforts internes déployés pour à la fois sensibiliser tout le monde, à tous les niveaux de l’entreprise, convaincre la “C-suite” de porter un tel message et se l’approprier puis faire évoluer les produits à cette vitesse.

On se peut savoir de quoi l’avenir sera fait, ce que sera la vérité du terrain. Mais on comprend l’effet sur les participants qui ont vécu en 2 ans une révolution que les pure players portent, parfois dans la douleur, depuis 7 ans. Un cycle auquel on est pas habitué chez de tels mastodontes peu habitués à de telles révolutions ni à sortir une version majeure d’un produit tous les ans.

Alors ma conclusion sera celle de nombre d’experts présents à Lotusphere 2012. Ils ont les produits et c’est ce qu’on attend d’eux. Mais l’évolution des produits en question montre une évolution majeure et radicale de la pensée Lotus…ou IBM Collaboration Solutions car même de ce coté là on a fait le grand ménage. IBM n’a pas répondu au marché par un produit mais tente d’incarner au travers de produit une nouvelle vision du business, une vision globale. Le social n’est plus une niche mais une approche cohérente de toutes les activités business. Un choix de conviction qui va, contrairement à ce qu’on pouvait penser, au delà du simple discours marketing et doit rassurer les entreprises quant à la vision à long terme de Big Blue et sa capacité à les accompagner à long terme dans un monde qui change aussi vite, ou 3 ans sont une éternité. Car pour s’engager à ce point il faut y croire : IBM ne peut plus faire machine arrière et n’a pas de plan B, “non social” et rassurant “au cas où”. Finalement on est tout aussi impressionné par le travail que l’entreprise a fait sur elle-même que sur ses produits.

On sent bien que le monde se transforme, que l’entreprise a besoin de nouveaux outils pour s’y mouvoir, qu’il faut une vision cohérente et crédible pour emporter la confiance des entreprises sur ce mouvement à long terme qui doit commencer à se concrétiser dès maintenant sans attendre. Mais comme il faut toujours un message fort des acteurs majeurs du marché pour acter que cette transformation est en marche, peut être a t-on vu à Lotusphere ce moment où les choses basculent de manière irrémédiable.

L’avenir nous dira si IBM a fait les bons choix et les a bien mis en œuvre. En attendant ils portent et incarnent ce message d’un monde qui change, où le business sera social ou ne sera pas. A tel point qu’on croirait affaire à un pure player qui  a fait ça toutes sa vie. Si on croit à ce monde qui change alors ne peut que les croire.

Pour finir me suis toujours intéressé à IBM par le passé, non pas en tant qu’éditeur mais en tant qu’entreprise qui a un moment donné dans les années 90 à su se réinventer pour survivre. A l’heure où on tire le bilan élogieux des années Palmisano (lire également ), je pensais justement à revenir, un de ces jours, sur le travail de son prédécesseur, Louis Gerstner, au travers de son livre Who Says Elephants Can’t Dance?: How I Turned Around IBM. Justement, à Lotusphere, cette année, non seulement j’ai eu l’impression de revoir danser un éléphant mais, en plus, d’avoir l’impression qu’il voulait qu’on danse avec lui

Le suiveur est devenu leader. Maintenant il va falloir assumer et tenir la promesse.

On se revoit en 2013.

PS : Et mon sentiment personnel ? Je m’attendais à être intéressé, je suis revenu impressionné.